Pierres à cupules, gravures et néolithique de nos montagnes

Menu

Hypothèses sur les peuplades à l'origine de ces pierres à cupules ou gravées.


   Sommaire

    Constatations
    Recoupements
    Hypothèses




IMG_0897_1L.
Pierre gravée de Tincave vallée de Bozel Savoie.

En dehors de comprendre les raisons de leur usage, les pierres à cupules sont aussi des marqueurs de mode de vie et des territoires, des peuplades qui les ont créées et utilisées. En étudiant leur répartition, leur positionnement sur le territoire, on peut essayer de recouper ces infos avec ce que l'on connait des peuples des périodes où on suppose qu'elles sont apparues. C'est ce que j'essaie de faire dans cette page au travers des quelques hypothèses évoquées.

Retour au sommaire


Constatations

La difficulté avec les arts rupestres, c'est qu'ils sont difficilements datables, les pierres à cupules ont été retrouvées à toutes les périodes préhistoriques et même historiques, ce qui ne facilite pas la datation. Dans nos recherches nous nous sommes donc concentrés sur le phénomène des pierres à cupules des Alpes et des gravures qui y sont souvent associés. Le phénomène des pierres à cupules de ce type à peu de cas de datations, une pierre utilisée sur une tombe à Thonon les bains permet par la datation de la sépulture des environs de -3000 avant JC, du moins au minimum, les gravures pouvant être antérieures et en réemploi. La pierre de Trefael aux pays de Galles d'après les fouilles pourrait remonter elle à -3500 avant JC ou plus. On est avec ces datations sur une limite probablement basse du phénomène. Les gravures qui accompagnent les pierres á cupules comportent peu de représentations d'armes et essentiellement des arcs. Il a aussi peu d'animaux et quand il y en a ils sont sauvages, le motif le plus courant est le cruciforme anthropomorphe et l'orant. On constate des styles de gravures totalement différents de ceux du mont Bego et même avec ceux du Valcamonica malgré quelques analogies limitées.

Essais de datation par analyse pétrographique :

  • Rupe Magna near Grosio, Valtellina. northern Italy ABOUT MICROERUSION ANALYSIS AS A TOOL TO DATE PETRUGLYPHS encased in silica accretions (Bednarik 1995; Watchman 1995) established petroglyph chronologies.
  • Détail sur la méthode d'analyse.




  • Les pierres à cupules sont très nombreuses dans les Alpes et le Massif central. Certaines d'entre elles sont gravées, mais assez peu en proportion de l'ensemble. Le motif principal dans ces régions est représenté par les anthropomorphes cruciformes, avec différentes variantes simples, cupulées, ou plus rarement potencées. D'autres motifs existes mais plus divers et sans séries particulières, des dessins en forme d'arc,... Dans l'ensemble ces dessins sont très simples et schématiques. On n'y trouve pas de motifs liés à la néolithisation.

    Les pierres se trouvent à toutes les altitudes et jusqu'à plus de 2000m, mais beaucoup sont situées dans les zones entre 600 m et 1400 m. On les retrouves le plus souvent le long d'anciens petits chemins, parfois oubliés, à mi pente sur les adrets et dans des emplacements remarquables en vue de vallées et pics sur des points de guet.



    Une autre zone de pierre à cupules existe avec des styles de gravures différents, elle couvre principalement les pays de la côte Atlantique, Grande Bretagne, Irlande, Espagne et Portugal. Elle est caractérisée par ces nombreux dessins en spirale ou en forme de labyrinthe circulaires, dont le centre est une cupule.

    Ce phénomène est probablement postérieur à celui des cupules des Alpes, les deux étant liés au moins par une idéologie initiale commune ou similaire, ayant dérivés par la suite sur des phénomènes distincts.

    Retour au sommaire


    Recoupements

    Les pierres à cupules sont présentes sur de très nombreux pays. La zone des gravures cruciformes est bien plus restreinte elle va de la partie nord-ouest de l'Italie et forme un arc jusqu'au Languedoc, toujours en montagne. Une autre zone couvre le Nord de la péninsule Ibérique. On peut donc penser qu'il existait une certaine unification culturelle sur ces zones. Des pierres existent aussi dans d'autres zones mais en moins grande quantité. L'altitude privilégiée entre 600 m et 1600 m sur les adrets peut aussi être un autre indice de mode de vie.





    Carte_antropomorphe.jpg
    Carte des pierres gravées de cruciformes.



    Retour au sommaire


    Hypothèses

    Mes recherches et constatations m'ont amenées à une hypothèse très éloignée des idées préconsues habituelles sur l'histoire de ces pierres. Le très grand nombre de pierres encore présentes de nos jours, plusieurs milliers d'années après, peut laisser penser que ce phénomène a durée sur une période assez longue. Ce phénomène aurait pu commencer pour les plus anciennes avant l'arrivée des premiers néolithiques et durer de -6000 à -3000 av JC suivant les secteurs. Pendant cette longue période, plusieurs évolutions des pratiques ont pu se produire, les gravures arrivant en complément peut-être vers la fin de la période. Toutes les cupules n'ayant pas toutes forcément le même usage.

    À cette période après 6500 av JC, plusieurs phénomènes météorologiques touchent l'Europe, d'après les fouilles une sècheresse touche le sud de la France et entraine une baisse des implantations humaines sur cette région. Vers 6000 av JC arrive une période un peu plus chaude qu'actuellement, c'est aussi à cette période que survient une évolution dans les pratiques mésolithiques. Un phénomène nouveau s'installe en provenance du sud de l'Italie, appelé Castelnovien, il s'étend en Europe, et est particulièrement actif en montagne ou la population progresse. Sa zone d'influence principale est assez concordante avec celle des pierres à cupules. Il y a peu de trace de ces peuplades qui ont un style de vie de chasseurs ceuilleurs et qui sont implantées dans des zones peu fouillées et peu propices à la conservation des vestiges. Les archéologues parlent d'Epicastelnovien, de Roucardien, de Meso-Neolithique ou de Pericardial pour qualifier cette période de transition entre 5500 et 4800, avec l'apparition des céramiques de la hoguette et autres, qui se rencontrent chez des chasseurs cueilleurs, avec dans certain cas quelques traces encore rares d'animaux domestiques, ...

    Les études montrent que les sociétés qui pratiquent le mégalitisme sont des sociétés avec un certain niveau de stockage et une certaine hiérarchie, et que les chasseurs cueilleurs ne le pratique pas, la seule exception étant le cas de Göbekli Tepe 12000 ans avant JC, qui est une société de chasseurs cueilleurs stockeurs et sédentaires. Ce pourrait-il que dans les zones montagneuses apriori hostiles mais tout de même assez giboyeuses, des peuplades aient pu trouver un équilibre particulier entre chasse, cueillette, commerce, pré élevage et stockage ?

    La période mésolithique est décrite comme étant peu développé culturellement, avec de nombreuses zones dépeuplées ou à population très éparse et peu organisées. C'est à mon sens une vue déformée de la réalité en partie dû aux difficultés d'en retrouver les traces, leur mode de vie en partie nomade, avec des constructions légères en plein air, ne facilitant pas ces recherches. Pourtant à quelques périodes et dans quelques zones où les conditions ont été particulièrement propices, des peuplades semi nomades ont pu créer des cultures avancées. Dès 120000 ans à Göbekli Tepe en Turquie, des monuments ont été construits et des cultes ont été célébrés, il y a eu aussi l'exemple des natoufiens entre 12000 et 10000 ans avant JC au proche orient, en Europe la culture Lepenski Vir aux portes de fer le long du Danube, en Serbie entre 7000 et 6000 avant JC, et d'autres indice comme l'art Levantin espagnol ou les tombes littorales bretonnes. Nous ne pouvons pas exclure que des peuplades locales ou migrantes, aient pu développer par endroit des cultures que nous n'avons pas encore identifié. Personne avant ces découvertes relativement récentes de ces différentes cultures, n'aurait imaginé leur existence et leur niveau de maturité. Nous devons donc reste relativement ouvert d'esprit et ne pas trop limiter nos hypotheses surtout quand des indices culturels se présentent.

  • Découverte de deux sites préhistoriques dans le massif du Granier
  • Mésolithique dans les alpes du nord
  • Le second Mésolithique d’Europe occidentale : origines et gradient chronologique
  • Le Castelnovien
  • Mésolithique et Néolithique ancien en Italie et dans le sud-est de la France entre 7000 et 5500 BCE
  • Néolithisation de l'Italie du Nord
  • Migrations et gestions saisonnières des alpes aux temps préhistoriques
  • Stratégies de chasse et territoires tribaux au Mésolithique
  • Le Néolithique ancien de l'arc liguro-provençal
  • Les chronologies néolithiques dans le Bassin rhodanien : un bilan
  • L’abri-sous-bloc de ALP 2 de l’Aulp du Seuil
  • Castelnovien sur Wikipedia
  • Nouvelles réflexions sur la transition Mésolithique récent Néolithique.
  • Neolithic farmers coexisted with hunter-gatherers for centuries in Europe.
  • L’hypothèse de l’acculturation dans le processus de néolithisation : approche logiciste de quelques exemples.
  • First Obsidian in the Northern French Alps during the Early Neolithic.




  • On peut supposer qu'un écosystème favorable à l'homme se trouvait sur les pentes ensoleillées des montagnes des Alpes et du Massif central, où l'eau est abondante et où aux limites entre feuillus et conifères persistait des clairières propices à la chasse, et plus accessibles pour l'homme que dans les zones plus basses où la forêt dense, complique leur survie. Ce sont des zones où de nos jour encore on trouve de nombreux villages qui profittent de l'ensoleillement. Dans ces zones de transition des animaux différents se retrouvent pour brouter : cerfs, chevreuils et sanglier, remonte des forêts basses, bouquetins et chamois descendes des cimes. Et simplement en changeant de niveau suivant les saisons l'homme peut varier sa chasse tout au long de l'année, avec aussi les marmottes en altitude. La cueillette est également intéressante avec les noisetiers et champignons, ... abondants. Les sommets des cols offre aussi des pâtures intéressantes pour chasser les troupeaux sauvages d'altitude. Il y eu des périodes chaudes ou sèches propices et des périodes plus froides ou plus humides avec des régressions de l'habitat.

    datation
    Evolution du mésolithique Castelnovien entre 6300 et 5400 av JC. On peut remarquer que les zones de présence des castelnoviens coïncident aussi en Espagne, au Portugal, en France dans lew Alpee le Massif central et en Bretagne du sud aux zones à pierre à cupules et à cruciformes à l'exception de la Grande Bretagne.

    Avec l'arrivée de phénomène néolithique ces montagnes ont pu servir de refuge temporaire aux mésolithiques restant en phase de néolithisation. Et même leur apportant un second souffle au travers du commerce inter vallées qu'eux seules savaient pratiquer et avec la fourniture de bien lithiques ou autres spécifiques aux montagnes. Le métier de colporteur très répandu chez les montagnards est peut-être né dès ces périodes.

    Le phénomène des premières pierres à cupules simples a pu commencer dès ces périodes anciennes de transition, les gravures plus complexes survenant plus tard. Vu le nombre extrêmement important de ces pierres dans les montagnes, elles sont très fréquentes et on peut penser qu'elles avaient un rôle important dans l'organisation des peuplades qui les ont utilisées. Pour les prénéolithiques les travaux les plus vitaux sont la chasse et la cueillette, donc cette fréquence peut-être lié à ces activités.

    Les zones d'altitudes où sont le plus couramment les pierres à cupules semblent peu propices à une agriculture encore balbutiante, seul éventuellement l'élevage pouvait commencer à si développer avec des compléments fourni par la chasse. Un mode de subsistance un peu nomade qui convenait bien mieux aux derniers mésolithiques en cours de néolithisation. On peut donc imaginer dans un tel contexte d'autres usages pour ces pierres que ceux imaginés pour des néolithiques. Pour la chasse, on peut penser à un moyen d'attirer des animaux, comme le font les chasseurs en plaçant des dépôts de sel, ou de graines, pour habituer et attirer les animaux dans certains points du territoire. Pour la cueillette on peut imaginer des lieux de cassage de noix ou de broyage de graines sauvages, à proximité des zones de récoltes. Le temps passant cet usage a pu se perdre et certaines de ces pierres ont pu devenir des lieus orientès vers un autre usage plus cultuel ou mémoriel et changé ainsi complètement de destination. Ce ne sont que des hypothèses sans fondements mais qui m'aident à imaginer des usages perdus avec le temps.

    Seule des fouilles plus nombreuses sur sites en tenant compte de ces possibilités pourront valider ou infirmer ces hypothèses, ou en proposer d'autres. Il est important pour les datations de ces pierres de mieux étudier les lieux où elles se trouvent, et d'y faire quelques sondages, certaines pouvant indiquer des lieus d'usages divers. Il est important d'étudier plus en détail les itinéraires qu'elles marquent.

    


    Création 2016, mis à jour le 24/01/2024